jeudi 3 octobre 2013

MICHELIN … C’EST LA FIN

- ENTREPRISE-
MICHELIN … C’EST LA FIN

C’est fini*! Michelin change de main et se débarrasse de son usine Michelin Algérie devenue trop encombrante et Rebrab reprend Michelin dans un état de santé fragile.
C’est la fin d’une aventure qui aura duré plus de 54 ans pour le groupe Michelin Algérie qui passe la main à Cevital, au moment même où de graves difficultés économiques minent le secteur du pneumatique déjà fragile et durement déstabilisé par le boom asiatique.
Michelin qui tient à préserver son image de marque, refuse de se hisser au diapason d’un marché asiatique hors-jeu et paie ainsi les frais de son honorabilité. « Un désengagement à la mesure de sa dimension » affirme un observateur.
Aux grands maux les grands mots, et point de remède. Passer la main … Passer, circuler de main en main … Prendre en main … Reprendre en main … S’assurer que l’affaire est en bonnes mains …Se frotter les mains... Serrer les mains … Battre des mains … Haut les mains, cette fois, c’est gagné … Enfin, tout y est pour le mieux … dans la prise en main.
Le groupe Cevital fondé par le businessman Yessad Rebrab a confirmé par la voix de ce dernier, lors d’une conférence tenue le 10 juin 2013 à l’hôtel Sofitel, son accession au sein du capital social de la société Michelin Algérie à une échelle de 67%. Les 33% toujours aux mains de Michelin n’entreraient en service qu’à la fin de l’année 2013.
Michelin touche le fond marin et tend la main. Une eau mouvante déjà affaiblie avec les baisses de vente qui frappent le segment du pneumatique en Algérie. Son P.D.G Ygor Zyemit parle de malaise. « Nous assistons à des chutes de vente depuis notre retour en 2002. La conjoncture n’est guère favorable, et les chiffres sont préoccupants » avoue ce dernier qui explique. « Plus de 40 millions d’euros ont été injectés après la réouverture de notre usine en 2003 et 13 millions d’euros furent réinvestis entre les années 2003 à 2012, soit une moyenne de 2 millions d’euros par an » ajoute t’il « il n’est même plus possible de parler de  restructuration compte tenu de notre usine enclavée, qui se trouve dans l’incapacité de répondre aux défis actuels de la compétitivité mondiale » précise celui-ci de nouveau. Propos « rassurants » pour ce prospecteur en mission qui en fit part dans les coulisses à une troïka d’industriels déterminés à en savoir beaucoup plus. « Même l’injection d’un sang nouveau n’a pas permis de redresser la barre déjà inclinée. C’est dire à quel point Michelin se trouvait en difficulté ».
Michelin qui parle d’abord, de marasme économique, ensuite, d’une usine longtemps confinée dans une taille réduite, renonce à tout projet de réindustrialisation, et continue même d’évoquer la crise qui secoue le monde du pneumatique. Sans doute, pour justifier son retrait de son usine de Bachjarah, notent les plus avertis. Autant d’arguments qui laissent penser à quel point Michelin veut en finir avec son usine d’Algérie. Une usine qui l’a doté de ses lettres de noblesse et dont il fut en son temps le leadership du pneumatique sur le continent africain. Une place convoitée, il y’a peu de temps par les asiatiques. Il est vrai que c’est une crise qui n’a épargné ni son site de Joué les Tours ni celui d’Amiens-Nord de Goodyear menacé lui aussi de fermeture, mais c’est aussi une crise que Michelin est loin d’être le seul à affronter et dont l’Europe en est le nid.
Quant aux acteurs de Germinal, ou les grands perdants dans l’affaire et dont le nombre est estimé à plus de 650 salariés, ils se voient victimes malgré eux, d’un contrat signé de la main gauche, et exigent que leur sort soit réglé au plus vite. « À ceux qui ont crée le problème de trouver les solutions » menace le syndicat qui continue toujours de hausser le ton.
Loin d’être une opportunité, cette passation de commandes ou transfert de pouvoir, selon certains, dite contrat de partenariat par les officiels, n’apporte rien de nouveau et n’offre aucune perspective nouvelle pour les générations futures.
Rebrab, toujours fidèle à sa stratégie éprouvée de chasseur inexpérimenté, continue de pointer le fusil vers l’avant, et de prendre pour cible des marchés forts délicats, en souffrance et loin d’être protégés des aléas de la conjoncture, qu’il connaît peu ou pas et qui n’alimenteront en rien le moulin d’Alger.

FINI : Certains milieux proches de la francophonie enregistrent avec amertume le départ du leader français N° 1 du pneumatique, du marché algérien, dernier survivant de la mouvance coloniale en Algérie depuis 1959. 

LE PARFUM MICHELIN

- les années 30 -
- HISTORIQUE-
LE PARFUM MICHELIN

Michelin souffle sa dernière bougie* en guise d’un dernier adieu et lâche son bonhomme* de neige. Michelin qui n’entend plus rester maître du jeu se retire sur la pointe des pieds du jeu.
Pionnier du pneumatique à l’échelle mondiale, principal usager du réseau routier en Algérie, ce Rimbaud de grands chemins, comme on aime à le qualifier, mènera longtemps la bohème sur les routes sahariennes qu’il sillonnera sans répit, aux côtés des mastodontes de l’époque. Dunlop, Firestone, Goodyear, Kléber Colombes, Bridgestone, Metzeller … brouilleront les pistes et feront parler d’eux pour la première fois. Le pneu Michelin assistera et en grand maître au débarquement des alliés en Algérie en 1942, et à l’arrivée massive et fracassante des voitures américaines, anglaises et françaises. Ford, Chrysler, Pantiac, Porsche, Chevrolet, Jaguar, M.G.britannique, Plymouth, Cadillac, Jeep Willis, Panhard, Simca, Peugeot, Citroën, Renault …inonderont le marché algérien et en force. Alger vivait* en ce temps là à l’heure américaine et au rythme de l’élégance et du beau style zazou.Le pneu Michelin y verra également et d’un bon œil l’arrivée des camions Hotchkiss venus encombrer de leur parcours bruyant les pistes de l’Est algérien tristement appauvries. C’est le début de l’insurrection armée, et les camions G.M.C. arrivés en grand renfort affluent de partout. Le temps d’un léger flirt entre les deux partenaires et les convois lourdement chargés prennent aussitôt le maquis pour servir la cause*. Le marché de la pièce détachée s’avère florissant et rapporte gros. Hotchkiss se frotte  les mains. Il réalise les meilleures ventes en ces premières années 50 et se taille même de beaux succès. La guerre ouvre une nouvelle fois la brèche. C’est le grand saut.
Berliet, qui hésite depuis longtemps se lance lui aussi dans la bataille et rallie son prédécesseur. Il s’installe à Rouiba, un petit bourg agricole situé à quelques kms d’Alger. Un projet à risque qui coïncide avec la crise algérienne qui secoue la Ve république et qui se heurte au coup d’envoi de l’opération Couronne déclenchée par le général Challe au mois de février 1957. Pour Berliet, les affaires démarrent et vont bien. Il ouvre une première et grande enseigne à Maison-Carrée, route nationale 5, et lui donne l’appellation de Mécanique Automobile Industrielle et Agricole, et AKLI RAHAL y est son premier directeur des ventes. C’est le grand boom. Berliet, y trouve de nouveau son bonheur sur les terres algériennes. Le marché algérien s’annonce une nouvelle fois très porteur pour nos deux géants.
Michelin, qui assistait jusque là impuissant au ralliement de ses aînés, leur emboite cette fois le pas et jette les jalons d’une nouvelle cohabitation. Nous sommes au mois de juin de l’année 1959. Michelin va devoir affronter le tumulte assourdissant d’une Algérie française qui s’estompe peu à peu, et l’écho grandissant d’une Algérie musulmane qui se manifeste au loin. Quelle audace ! ni l’un ni l’autre ne le feront changer d’avis. Il sera d’ailleurs « le dernier des mohicans » à résister aux turbulences de l’histoire. C’est dans la banlieue d’Alger qu’il préfère s’implanter, plus précisément, au Lotissement Michel*,
un quartier résidentiel, plus proche de Kouba que de Hussein-Dey. La proximité de ces beaux pavillons, le parfum des fleurs, et le langage des O.S y trouveront ombrage dans un cadre typiquement mécénat. Michelin sera servi. Il y servira* à son tour.
Michelin démarre … et timidement, d’abord, il y trouvera refuge dans un grand hangar qui servira longtemps de point de vente et de stockage, qu’il approvisionnera de son usine de Clermont-Ferrand. Il n’ira pas loin. Tout se dit, tout se fait, tout se crée ailleurs. Michelin Algérie est là, pour assurer uniquement la distribution de ses pneus. Il y restera d’ailleurs fidèle serviteur, pour une longue période. L’idée d’installer une nouvelle chaîne de fabrication ne l’effleure pas trop. Il faudra attendre l’année 1964 pour que celui-ci daigne enfin parler de production locale. Il lancera en 1961, soit deux années après son installation, un point de vente, au 10 rue de Lyon, actuel -Med Belouizdad – qu’il baptisera Société Commerciale du Pneumatique.  Mrs L. CHARDONNET et R. PUISEUX y seront les futurs gérants et les premiers à assurer le circuit commercial en dehors de l’usine. Michelin ne s’arrêtera pas là et prend le risque de braver les terres sahariennes hospitalières mais difficiles à conquérir. Il y arrivera, et concédera même le droit de vente de ses pneus à la S.A.T.A.P, ou la Société Saharienne de Pneu, un poste de relais installé à Hassi-MessaoudOasis – au début de l’année 1960.  Le goût de l’aventure et la passion du risque le mèneront loin. Il y gagnera en points.
L’année 1959 est, quant à elle, une année riche en exploits. Robert Lacoste, le ministre français résidant, annonce en cette même année, la découverte d’un nouveau gisement pétrolier au Sahara algérien. Une nouvelle fois, c’est la ruée, c’est le grand rush.
Hotchkiss, Berliet  et Michelin formeront peu après, un tandem de charme auprès des grandes compagnies pétrolières de l’époque. Le Sahara est vaste et accueillant. Shell, Total, British Petroleum, Mobil Oil, Esso Standard, S.N.Repal, Alfor … y feront fortune.
L’arrivée de Michelin en Algérie fut également l’année de tous les enjeux. Elle coïncide avec l’écho sanglant des « violons de l’automne » qui continue toujours d’ébranler les consciences des partisans de l’Algérie française. De l’année 1957 ou « la grande bataille d’Alger » à la fameuse phrase de « Je vous ai compris » à cette année 2013, ou ces « révolutions arabes » vite désenchantées, il n’y a qu’un pas. L’onde de choc d’hier n’a pas fini de faire parler de lui.
L’Algérie est une terre d’investissements et de conquêtes. Le marché algérien s’ouvrira bientôt vers de nouveaux horizons et  compte attirer de nombreux projets. Michelin, saura t’il faire preuve de dynamisme et parler d’une nouvelle relance ? Pour cela, il ne lui reste plus qu’à convoiter de nouvelles terres algériennes et adopter une nouvelle stratégie.

C’est ce qu’on appelle cultiver* l’art industriel du vieux Edouard.
L’Organisme Technique pour la mise en valeur des Richesses du Sous-sol saharien, dont le siège est situé à l’ex boulevard Galliéni - actuel boulevard colonel Bougara - fut crée dans le cadre des accords d’Evian du 28 Août 1962, signés entre l’exécutif provisoire algérien et le gouvernement de la République française. Il a pour but de promouvoir les mesures propres à assurer la mise en valeur des richesses du sous-sol algérien. Il reprend en partie les attributions techniques de l’O.C.R.S. Mr Lamine KHENE fut désigné en qualité de P.D.G et Mr Med LIASSINE fut nommé membre du conseil d’administration. Rappelons que le premier se voit confier peu après, les fonctions de ministre des travaux publics, jusqu’à la fin de l’année 1971. Quant au second, il occupera successivement le poste de ministre de l’industrie lourde, ensuite celui de ministre de l’hydraulique.
Du côté français, Mr Claude CHEYSSON fut désigné D.G. et Mr Olivier GUICHARD, membre du conseil d’administration (pour ne citer que les personnalités les plus influentes). Notons que le premier cité eut à gérer le portefeuille de ministre des relations extérieures dans le gouvernement de Pierre MAUROY et le second, gaulliste convaincu, fut le chef de cabinet de de Gaulle.
En voici quelques extraits ou les « fines fleurs »  des compagnies pétrolières françaises et étrangères ayant élu domicile en Algérie au début de l’année 1925 pour Shell.
·        Compagnie Algérienne de Recherches et d’Exploitations Pétrolières C.A.R.E.P Hydra  Alger.
·        Compagnie Française des Pétroles (Algérie) C.F.P.A rue du Sahara  Alger.
·        Compagnie des Pétroles d’Algérie C.P.A rue Daguerre  Alger.
·        Société Nationale de Recherches et d’Exploitations des Pétroles en Algérie S.N.Repal   Alger.
·        Société des Exploitations des Hydrocarbures de Hassi-R’mel S.E.H.R. rue Compocassa  Alger.
·        Société des Pétroles des Hautes Plaines  S.P.H.P.D.S. bd Saint Saëns  Alger.
·        Compagnie Algérienne de Pétrochimie  P.E.T.R.A.L rue amiral Bruix  Paris.
·         Entreprise de Forage Nord Africain  bd Saint Saëns  Alger.
·        Société des Gaz et de Pétrole de l’Est Algérien  S.O.G.A.P. bd Saint Saëns  Alger.
·        Compagnie Africaine de Raffinerie de Berre  Beryl Algérie  Hussein Dey  Alger.
·        Société de la Raffinerie d’Alger  rue Michelet  Alger.
·        Raffineries Algériennes  R.A.F.A.L bd Carnot  Alger.
·        Algérienne des Pétroles Mory bd Carnot  Alger.
·        Algérogaz  Rue Vignon Paris.
·        Caltex Algérie (voir Union Industrielle des Pétroles d’Algérie)
·        Esso Standard Algérie bd Victor Hugo  Alger.
·        Mobil Oil Nord Africain rue Michelet  Alger.
·        Société Anonyme des Pétroles Mory  bd Carnot  Alger.
·        Société de Distribution Africaine de Primagaz  bd Saint Saëns  Alger.
·        Société des Pétroles d’Algérie  avenue Général Yusuf  Alger.
·        Société Shell d’Algérie bd Saint Saëns  Alger.
·        Union Industrielle des Pétroles d’Algérie  U.I.P.A bd de France Alger.
·        Société Nationale Repal  Chemin du Réservoir Hydra  Alger.
·        Total, Rex Société Algérienne des Huiles Minérales... rue Michelet, Alger.        Président : R.Perrin

British Pétroleum et Shell demeurent à ce jour les maîtres historiques dans l’exploration des pétroles et du gaz en mer du Nord, derrière le géant norvégien Statoil. Ce dernier arrive en tête suivi de très près par Total qui continue toujours de briguer la première place.

BOUGIE : Pour explorer, pacifier et prêcher la bonne parole en Afrique Noire, Livingstone, Stanley et  Savorgnan Pierre de Brazza ont usé pas mal de sandalettes en « caoutchouc ». Pour conquérir cette fois le continent africain, Michelin devra lui aussi user de …

BONHOMME : Un bonhomme qui, en fait ne le quitte pas et ne le quittera jamais. Parler des pneus Michelin c’est aborder l’image attendrissante de ce bel ange blanc aussi blanc qu’un amas de neige. Engoncé dans une belle coquille blanche et toute neuve , un sourire qui vous accoste à chaque coin de rue comme dans cette charmante petite ville d’Autriche, un pas de géant mais plus léger qui rappelle celui d’un extraterrestre, « Bruno » ira conquérir et en grand seigneur les terres de l’Alaska si lointaines et si proches, si belles et si sauvages. Une histoire merveilleuse qui ira rejoindre celle du Père Noël « finlandais ». Bâtissons ensemble la légende de « Bruno » ou le pneu Michelin universel.   

VIVAIT : 1947 / 1949. Une barbichette fine et bien taillée pour certains, une barbe mal rasée pour d’autres, une chevelure blonde et abondante, rejetée quelquefois en arrière avec une légère touffe sur les côtés, un imperméable gris sous le bras, un cartable bourré de désillusions dans l’autre main, les déçus de la « génération perdue » se retrouvent à l’Hôtel St Georges ou à l’Hôtel d’Angleterre à la recherche de quelque chose d’inexplicable… de quelque chose qui leur échappe et que nul ne connaît.
·        Après le  cafard américain ramené des Etats-Unis d’Amérique en 1942 et retrouvé dans le paquetage des soldats américains et qui foulera pour la première le sol algérien - il y séjournera d’ailleurs pour l’éternité -. Voici, venu cette fois le syndrome de la déprime américaine qui ira se loger dans les neurones des têtes algériennes.
·        Sartre, Camus, Hemingway, Drieu la Rochelle, Malraux enflamment en ce début d’année 1957 les idées philosophiques et littéraires de cette pléiade* d’intellectuels vautrés sur les canapés en moleskine de l’Hôtel Aletti et du Milk Bar.

    CAUSE : « Faites l’amour faites la guerre » oui, mais quand cette dernière devient inévitable. Une belle romance dont les prémices remontent croit-on-savoir à l’ère napoléonienne. Elle réapparaîtra de nouveau lors de la guerre de 14/18 et de 39/45 auxquelles viendront se greffer les cris, les pleurs et les désolations. Elle quittera le champ de bataille, la tête haute, car de guerre « juste » elle n’osera passer à guerre injuste. Jetée dans les rues de New York, tirée par les cheveux lors de la guerre du Vietnam, la nouvelle venue sera livrée pieds et poings liés aux beatniks qui en firent leur nouveau slogan « Faites l’amour pas la guerre ».
   
    LOTISSEMENT MICHEL : Un quartier résidentiel aux abords de Kouba, Vieux Kouba et de Ben Omar auquel il fut relié autrefois. Aujourd’hui, il relève de la ville de Hussein-Dey et demeure à ce jour le bastion de l’intégrisme, car plus près des cités populaires, telles que Leveilley, la Glacière, Oued Ouchayah, Berardi, Cité d’Urgence, P.L.M.
    
   SERVIRA : Michelin comblera ses salariés de cadeaux de Noël et de fin d’année. On parlera même d’étrennes qui seront remises de porte à porte dans les quartiers chics de Lotissement Michel.

   CULTIVER : Michelin qui refuse de rejoindre le cercle financier demeure toujours fidèle à cette philosophie si riche et à cette conception de grand maître industriel qui ne le quittera jamais.